« La fertilisation dynamique du blé m’apporte de l’autonomie décisionnelle »
Pilotant la conduite de ses blés avec la fertilisation dynamique depuis de dix ans, Emmanuel Drique apprécie de pouvoir ainsi maîtriser ses charges d’engrais et phytosanitaires.
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Installé sur 148 hectares à Bézu-Saint-Éloi, dans l’Eure, Emmanuel Drique a adopté la fertilisation dynamique pour ses blés il y a dix ans. Indiquant l’alimentation réelle de la culture en azote via une mesure de la chlorophylle, la pince N-tester le guide dans ses apports. L’agriculteur précise : « Nous nous rapprochons d’un système à bas intrants que je veux robuste et résilient. »
La fertilisation dynamique présente plusieurs avantages à ses yeux : « Faire des économies d’engrais, réduire l’usage des phytosanitaires et l’émission de gaz à effet de serre. » L’agriculteur souligne que l’azote peut être à l’origine d’une végétation exubérante favorable aux maladies fongiques et que le ray-grass, plus nitrophile que le blé, profite également des apports.
Arrosée de 650 à 700 mm par an, l’exploitation compte environ un tiers de limons profonds, autant de limons moyens et le restant en argile à silex. La totalité de la superficie se situe dans le bassin d’alimentation de captage de Gisors. « Les potentialités de l’exploitation sont limitées avec une moyenne de 78 à 80 q/ha en blé sur 5 ans », indique Emmanuel. De 2021 à 2023, l’EBE moyen de l’exploitation s’est établi à 685 €/ha pour un budget phyto de 100 €/ha.
Une trentaine de mesures par parcelle
L’Eurois a testé la fertilisation dynamique à la suite d'une rencontre avec Marie-Hélène Jeuffroy, de l’Inrae, laquelle a présenté l’indice de nutrition azotée (INN) (1). Il se souvient : « Elle a démontré qu’une baisse de cet indice au-dessous de la valeur de 1 n’avait pas nécessairement un impact sur le rendement si la durée et la valeur de l’INN restaient maîtrisées. » Le collectif affecté à l’« agriculture intégrée » de la chambre d’agriculture de l’Eure, devenu groupe Dephy, contribue alors aux tests d’usage de la méthode APPI-N.
En complément de ses propres observations, Emmanuel utilise toujours les tableaux renseignant les seuils de déclenchement de la fertilisation, en fonction des types de sols, du stade de la culture, et de l’INN qu’il mesure lui-même.
En pratique, il consacre environ une heure pour faire le tour de ses parcelles, groupées autour de l’exploitation, à partir du 20 février. Il réalise une trentaine de pincements de feuilles dans des zones représentatives de la parcelle avec son N-tester acquis 2 000 euros en achat groupé il y a une dizaine d’années (2).
Après ce premier passage, les tours de plaine sont espacés de 10 à 15 jours jusqu’à l’épiaison. « À ce moment-là, un apport peut encore agir sur le rendement et les protéines », souligne Emmanuel. Celui qui livre intégralement à la coopérative Sévépi vise une qualité blé « Supérieur » destiné à l’exportation. Il apprécie : « Ces tours de plaine sont aussi l’occasion d’observer précocement un départ de rouille. »
L’exploitant évoque les changements opérés à la suite de l’adoption de la fertilisation dynamique : « Sachant que le CAU (2) de l’azote du mois de février est faible, j’ai reporté mes premiers apports de sortie d’hiver après le premier mars. » À la suite des échecs en phase de test, il reste toutefois vigilant et anticipe d’éventuelles séquences sèches à cette période. « Il m’arrive d’appliquer 40 unités par sécurité si de telles conditions s’annoncent. »
« Nous apportons 100 à 180 unités par hectare réparties en trois ou quatre passages de 40 à 60 unités », ajoute Emmanuel. Auparavant, trois passages étaient un maximum.
À l’essai sur maïs
« J’expérimente aussi la technique sur maïs », explique l’agriculteur. 50 à 60 unités par hectare sont systématiquement apportées avant semis, puis 18 unités en localisé au moment de l’implantation. Il ajoute : « Les mesures guident l’ajout de 20 à 40 unités avant le stade 8 à 10 feuilles. » L’agriculteur s’avoue contraint par l’obligation d’intervenir précocement il n’est pas équipé pour le faire après ce stade.
Pour cette culture, Emmanuel souligne l’importance de maîtriser la fertilisation azotée pour éviter de retarder le mûrissement, et donc d’accroître les teneurs en humidité. Il note : « En 2024, avec 80 unités d’azote par hectare, nous avons atteint 93 quintaux de maïs grain à 32 % d’humidité mais nous apportons plus couramment 100 à 120 unités. »
(1) Rapport entre la teneur en azote total des parties aériennes et la teneur critique en azote total, déterminé à partir de la biomasse des parties aériennes.
(2) Valeur actuelle : 2 200 €.
(3) Coefficient apparent d’utilisation de l’azote.
Références scientifiques : Marie Hélène Jeuffroy et Raphaël Paut – Inrae.
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